Médecin urgentiste à l’hôpital de Bar-le-Duc, le docteur Hassan El Abdullah, franco-syrien, se rend régulièrement en Syrie pour venir en aide à la population. Son association SOS Syrie assure une aide humanitaire sur le terrain.

Quel est l’impact de la photo du petit Aylan selon vous ?

Je trouve ça dommage qu’on réagisse juste avec une photo. Il y a un an, 1.400 civils dont des enfants sont morts dans une attaque chimique. C’est devenu banal et la communauté internationale n’a pas réagi. Aujourd’hui, j’entends deux langages. Il y a celui des hommes politique qui fait peur et il y a celui de la population qui est prêt à accueillir les migrants. Quand je vois 75 maires qui se disent prêts à recevoir ces gens, voilà le vrai visage de la France. J’ai l’espoir dans la population plus que dans les hommes politiques qui ont peur de prendre des décisions. Le peuple est en avance.

Quelles solutions selon vous pour accueillir ces migrants ?

Quelle que soit la solution, répartir les migrants, créer des centres d’accueil, etc, il faut faire le minimum pour la dignité humaine. Depuis mercredi, il y a un langage de solidarité. C‘est ça la fraternité et la vraie image de la France et du pays des droits de l’homme. Depuis un an, on ne compte même plus le nombre de morts en Syrie. Il faut les accueillir mais il faut aussi venir en aide à ceux qui restent sur place. Il y a une urgence à trouver une solution radicale au vrai problème car sinon, nous allons continuer à traiter les conséquences.

Aujourd’hui, pour quelles raisons des familles entières risquent leur vie pour rejoindre l’Europe ?

À l’heure actuelle, aucun pays arabe n’accepte les Syriens et ceux qui ont passé les frontières n’ont pas le droit de travailler. Dans les camps de réfugiés, il y a jusqu’à 180.000 personnes comme en Jordanie, vous imaginez la situation. Ce sont des gens qui sont en train de mourir en douceur. Ceux qui ne meurent pas sous les bombardements meurent de faim, il n’y a rien à manger ou à boire. Encore la semaine dernière, le régime a utilisé des armes chimiques au Nord d’Alep. Dans le camp, les gens sont là depuis quatre ans sans avoir le droit de rien. Ils se demandent quel est leur avenir. Alors ils essayent de sortir et de prendre la route, ils ont l’espoir. Ce ne sont pas des gens qui viennent pour des raisons économiques, ils viennent pour la sécurité. Tous les jeunes pensent à partir mais il faut de l’argent pour passer, acheter des papiers.

Comment trouvent-ils les passeurs ?

Il y a des noms qui circulent. Les migrants cherchent les passeurs et non l’inverse. Moi même, je suis sollicité tout le temps pour aider des connaissances à financer ces voyages. Ils payent pour leur mort. Les passeurs ne font pas partie de l’humanité, ils profitent de cette situation pour s’enrichir. Ils mettent les gens sur des canots gonflables. Mais ce n’est que la conséquence de la situation en Syrie.

Comment mettre un terme à cette situation justement ?

La communauté internationale doit prendre ses responsabilités. L’ONU a dit que c’était la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. La solution est politique.

Source : https://www.estrepublicain.fr/edition-de-bar-le-duc/2015/09/05/le-docteur-hassan-el-abdullah-medecin-urgentiste-barisien-les-migrants-payent-pour-leur-mort