Difficile de brosser le portrait socio-économique d’un pays ravagé par quatre ans de guerre civile. Non seulement les données sur la Syrie manquent, mais celles qui existent sont sujettes à caution. En agrégeant les informations d’organisations internationales, les statistiques officielles, celles d’organisations non gouvernementales et ses propres estimations, le Syrian Centre for Policy Resarch (SCPR) réussit toutefois à dégager dans son dernier rapport des éléments de réponse.

Selon les estimations du SCPR, l’espérance de vie en Syrie est passée de 75,9 ans en 2010 à 55,7 ans en 2014. Un décrochage qui s’explique en grande partie par la hausse des morts violentes.

D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme, près de 220 000 personnes ont été tuées dans le pays depuis le début du conflit. Pour la seule année 2014, les violences ont fait 76 000 morts. Au total, selon les décomptes de SCPR, 6 % des Syriens ont péri, été blessés ou mutilés ces dernières années. La population a chuté de 20,87 millions d’habitants en 2010 à 17,65 millions à la fin de 2014, essentiellement du fait de l’exode massif de la population.
Parallèlement, le réseau de soin s’est désagrégé. Le SCPR relève qu’à peine la moitié des centres de première urgence existant en 2010 est toujours aujourd’hui en activité. Des maladies qu’on pensait éradiquées, comme la poliomyélite, ont réapparu, obligeant les autorités et les organisations humanitaires à mener de vastes campagnes de vaccination. Le pays manque également de personnel médical, d’urgentistes ou de spécialistes. Quant aux factions combattantes, elles utilisent souvent les hôpitaux pour asseoir leur domination, autorisant leurs partisans à se soigner au détriment des populations qui ne leur sont pas soumises.

En 2014, quatre Syriens sur cinq vivaient en situation de pauvreté du fait des violences et de la hausse des prix des denrées de base, de l’essence et des services, d’un chômage croissant (il toucherait 57,7 % de la population, selon le SCPR) et de l’appauvrissement des réfugiés ayant perdu dans leur exil leurs principaux biens et propriétés.

Le phénomène touche particulièrement les régions déchirées par les combats, telles celles de Rakka, d’Idlib et de Deir ez-Zor. Mais même dans les zones moins mal loties, telles que Lattaquié ou Damas, la majorité des habitants dispose du minimum pour survivre.

Les organisations humanitaires peinent toujours à se déployer dans certaines régions. D’après l’Organisation des Nations unies, 4,8 millions de personnes résidant dans ces zones « difficiles d’accès » ont un besoin d’aide urgent, soit 2,3 millions de plus qu’en 2013. Près de 220 000 autres habitent dans des zones assiégées, complètement hors d’atteinte des organisations non gouvernementales.

D’après le SCPR, entre 48 et 50 % des enfants syriens ne sont pas scolarisés. La situation est particulièrement alarmante à Alep et à Rakka, où, respectivement, 74 % et 64 % des enfants sont concernés. Ces chiffres, qui s’appuient sur les données du ministère de l’éducation syrien, méritent toutefois d’être nuancés, le régime ne contrôlant plus d’importantes parties du territoire.

Le flot ne se tarit pas. Certes, les pays d’accueil ont imposé des restrictions qui ont limité les passages dans les derniers mois de l’année, mais les partants sont toujours nombreux, et les frontières poreuses.

D’après les registres du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), 35,1 % des exilés dans les pays voisins de la Syrie se trouvent en Turquie ; 34,5 % au Liban ; 18,7 % en Jordanie ; et 6,9 % en Irak.

Source : Le Monde.

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